Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/131

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deux enfants… impossible au général de lui écrire, puisqu’il ignorait où elle était.

— Ainsi, depuis, aucune nouvelle de lui ?

— Si, mes enfants… une seule fois nous en avons eu…

— Et par qui ?

Après un moment de silence, Dagobert reprit avec une expression de physionomie singulière :

— Par qui ? par quelqu’un qui ne ressemble guère aux autres hommes… oui… et pour que vous compreniez ces paroles, il faut que je vous raconte en deux mots une aventure extraordinaire arrivée à votre père pendant la campagne de France. Il avait reçu de l’empereur l’ordre d’emporter une batterie qui écrasait notre armée ; après plusieurs tentatives malheureuses, le général se met à la tête d’un régiment de cuirassiers, charge sur la batterie, et va, selon son habitude, sabrer jusque sur les canons ; il se trouvait à cheval juste devant la bouche d’une pièce, dont tous les servants venaient d’être tués ou blessés ; pourtant, l’un d’eux a encore la force de se soulever, de se mettre sur un genou, d’approcher de la lumière la mèche qu’il tenait toujours à la main… et cela… juste au moment où le général était à dix pas et en face du canon chargé…

— Grand Dieu ! quel danger pour notre père !