Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

votre père, qui avait à peine la tête à lui, repoussait ses soins, disant qu’après une telle défaite il n’avait plus qu’à mourir… il lui a semblé entendre cet homme lui dire : Il faut vivre pour Éva !… C’était le nom de votre mère, que le général avait laissée à Varsovie pour aller rejoindre l’empereur et faire avec lui la campagne de France.

— Comme cela est singulier, Dagobert… Et depuis, notre père a-t-il revu cet homme ?

— Il l’a revu… puisque c’est lui qui a apporté des nouvelles du général à votre pauvre mère !

— Et quand donc cela ?… Nous ne l’avons jamais su ?

— Vous vous rappelez que le matin de la mort de votre mère, vous étiez allées avec la vieille Fedora dans la forêt de pins ?

— Oui, répondit Rose tristement, pour y chercher de la bruyère, que notre mère aimait tant.

— Pauvre mère ! Elle se portait si bien, que nous ne pouvions pas, hélas ! nous douter du malheur qui nous arriverait le soir, reprit Blanche.

— Sans doute, mes enfants ; moi-même, ce matin-là, je chantais, en travaillant au jardin, car, pas plus que vous, je n’avais de raison d’être triste ; je travaillais donc, tout en chan-