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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/177

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Pierre ou Jacques, c’est un vaillant homme. Quand il a quitté votre mère, elle l’a remercié en pleurant d’avoir été si dévoué, si bon pour le général, pour elle, pour ses enfants. Alors il a serré ses mains dans les siennes, et il lui a dit avec une voix douce qui m’a remué malgré moi : Pourquoi me remercier ? n’a-t-il pas dit : Aimez-vous les uns les autres ! »

— Qui ça, Dagobert ?

— Oui, de qui voulait parler le voyageur ?

— Je n’en sais rien ; seulement la manière dont il a prononcé ces mots m’a frappé, et ce sont les derniers qu’il ait dits.

Aimez-vous les uns les autres…, répéta Rose toute pensive.

— Comme elle est belle, cette parole ! ajouta Blanche.

— Et où allait-il, ce voyageur ?

— Bien loin… bien loin dans le Nord, a-t-il répondu à votre mère ; en le voyant s’en aller, elle me disait, en parlant de lui : « Son langage doux et triste m’a attendrie jusqu’aux larmes ; pendant le temps qu’il m’a parlé, je me sentais meilleure, j’aimais davantage encore mon mari, mes enfants ; et pourtant, à voir l’expression de la figure de cet étranger, on dirait qu’il n’a jamais souri ni pleuré, » ajoutait votre mère. Quand il s’en est allé,