Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

On dit vulgairement qu’un noyé s’accrocherait à une paille ; il en est ainsi du désespoir qui ne veut pas absolument désespérer ; Dagobert se laissa entraîner à une dernière espérance absurde, folle, impossible… il se retourna brusquement vers les deux orphelines et leur dit… sans songer à l’altération de ses traits et de sa voix :

— Je ne vous les ai pas donnés… à garder… dites ?

Au lieu de répondre, Rose et Blanche, épouvantées de sa pâleur, de l’expression de son visage, jetèrent un cri.

— Mon Dieu… mon Dieu… qu’as-tu donc ? murmura Rose.

— Les avez-vous… oui ou non ? s’écria d’une voix tonnante le malheureux égaré par la douleur. Si c’est non… je prends le premier couteau venu et je me le… plante à travers le corps !

— Hélas ! toi si bon… pardonne-nous si nous t’avons causé quelque peine…

— Tu nous aimes tant… tu ne voudrais pas nous faire de mal…

Et les orphelines se prirent à pleurer en tendant leurs mains suppliantes vers le soldat.

Celui-ci, sans les voir, les regardait d’un œil hagard ; puis, cette espèce de vertige dissipé, la réalité se présenta bientôt à sa pensée avec