Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/220

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férez-vous que je vous fasse arrêter comme vagabond ?

— Moi !… m’arrêter !…

— Je veux dire que si vous refusez de me donner vos papiers, ce serait comme si vous n’en aviez pas… Or, les gens qui n’en ont pas, on les arrête jusqu’à ce que l’autorité ait décidé sur eux… Voyons vos papiers… Finissons, j’ai hâte de retourner chez moi.

La position de Dagobert devenait d’autant plus accablante, qu’un moment il s’était laissé entraîner à un vif espoir. Ce fut un dernier coup à ajouter à ce que le vétéran souffrait depuis le commencement de cette scène ; épreuve aussi cruelle que dangereuse, pour un homme de cette trempe, d’un caractère droit, mais entier ; loyal, mais rude et absolu ; pour un homme, enfin, qui, longtemps soldat, et soldat victorieux, s’était malgré lui habitué envers le bourgeois à de certaines formules singulièrement despotiques.

À ces mots : Vos papiers, Dagobert devint très pâle ; mais il tâcha de cacher ses angoisses sous un air d’assurance qu’il croyait propre à donner au magistrat une bonne opinion de lui.

— En deux mots, M. le bourgmestre, je vais vous dire la chose… Rien n’est plus simple… Ça peut arriver à tout le monde… je n’ai pas