Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une seconde, entrer dans la chambre ; puis fermant la porte et mettant la clef dans sa poche, il revint précipitamment vers le bourgmestre qui, effrayé de l’attitude et de la physionomie du vétéran, recula de deux pas en arrière et se tint d’une main à la rampe de l’escalier.

— Écoutez-moi bien, vous ! dit le soldat en saisissant le juge par le bras. Tantôt, ce misérable m’a insulté… (Et il montra Morok.) J’ai tout supporté… il s’agissait de moi… Tout à l’heure j’ai écouté patiemment vos sornettes, parce que vous avez eu l’air un moment de vous intéresser à ces malheureux enfants ; mais puisque vous n’avez ni cœur, ni pitié, ni justice… je vous préviens, moi, que tout bourgmestre que vous êtes… je vous crosserai comme j’ai crossé ce chien (et il montra de nouveau le Prophète), si vous avez le malheur de ne pas parler de ces deux jeunes filles comme vous parleriez de votre propre enfant… entendez-vous ?

— Comment !… vous osez dire…, s’écria le bourgmestre balbutiant de colère, que si… je parle de ces deux aventurières…

— Chapeau bas… quand on parle des filles du maréchal duc de Ligny ! s’écria le soldat en arrachant le bonnet du bourgmestre et le jetant à ses pieds.