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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/321

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III


Le contrebandier.


L’orage du matin a depuis longtemps cessé.

Le soleil est à son déclin ; quelques heures se



    casion de citer, s’exprime de la même manière sur l’inconcevable adresse des Indiens.

    « Ils vont, dit-il, jusqu’à vous dépouiller, sans interrompre votre sommeil, du drap même dont vous dormez enveloppé. Ceci n’est point une plaisanterie, mais un fait. Les mouvements du bheel sont ceux d’un serpent : dormez-vous dans votre tente avec un domestique couché en travers de chaque porte, le bheel viendra s’accroupir en dehors, à l’ombre et dans un coin, où il pourra entendre la respiration de chacun. Dès que l’Européen s’endort, il est sûr de son fait ; l’Asiatique ne résistera pas longtemps à l’attrait du sommeil. Le moment venu, il fait, à l’endroit même où il se trouve, une coupure verticale dans la toile de la tente ; elle lui suffit pour s’introduire. Il passe comme un fantôme, sans faire crier le moindre grain de sable. Il est parfaitement nu, et tout son corps est huilé ; un couteau-poignard est suspendu à son cou. Il se blottira près de votre couche, et avec un sang-froid et une dextérité incroyables pliera le drap en très-petits plis tout près du corps, de manière à occuper la moindre surface possible ; cela fait, il passe de l’autre côté, chatouille légèrement le dormeur, qu’il semble magnétiser, de manière qu’il se retire instinctivement et finit par se retourner en laissant le drap plié derrière lui ; s’il se réveille et qu’il veuille saisir le voleur, il trouve un corps glissant qui lui échappe comme une anguille ; si pourtant il parvient à le saisir, malheur à lui, le poignard le frappe au cœur ; il tombe baigné dans son sang, et l’assassin disparaît. »