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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/357

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et triste ;… malgré moi, j’ai crié : « C’est lui ! — C’est moi ! a-t-il répondu de sa voix douce, puisque tous ceux que tu as tués renaissent comme moi (et il montra le ciel), pourquoi tuer ? Écoute… je viens de Java ; je vais à l’autre bout du monde… dans un pays de neige éternelle… Là ou ici, sur une terre de feu ou sur une terre glacée, ce sera toujours moi ! Ainsi de l’âme de ceux qui tombent sous ton lacet, en ce monde ou là-haut… dans cette enveloppe ou dans une autre… l’âme sera toujours une âme… tu ne peux l’atteindre… Pourquoi tuer ?… » Et secouant tristement la tête… il a passé… marchant toujours lentement… lentement… le front incliné ;… Il a gravi ainsi la colline de la pagode ; je le suivais des yeux sans pouvoir bouger ; au moment où le soleil se couchait, il s’est arrêté au sommet, sa grande taille s’est dessinée sur le ciel, et il a disparu. Oh ! c’était lui !… ajouta l’Indien en frissonnant, après un long silence, c’était lui !…

Jamais le récit de l’Indien n’avait varié ; car bien souvent il avait entretenu ses compagnons de cette mystérieuse aventure. Cette persistance de sa part finit par ébranler leur incrédulité, ou plutôt par leur faire chercher une cause naturelle à cet événement surhumain en apparence.