Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/456

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le missionnaire eût sauvé les orphelines, et tenté de le secourir lui-même.

Le matin, pendant la tempête, tourbillonnant au milieu des vagues, tâchant enfin de se cramponner à un rocher, le soldat n’avait que très-imparfaitement vu Gabriel au moment où celui-ci, après avoir arraché les deux sœurs à une mort certaine, avait en vain tâché de lui venir en aide. Lorsque, après le naufrage, Dagobert avait retrouvé les orphelines dans la salle basse du château, il était tombé, on l’a dit, dans un complet évanouissement, causé par la fatigue, par l’émotion, par les suites de sa blessure ; à ce moment non plus, il n’avait pu apercevoir le missionnaire.

Le vétéran commençait à froncer ses épais sourcils gris, sous son bandeau noir, en voyant un inconnu si familier avec Rose et Blanche, lorsque celles-ci coururent se jeter dans ses bras et le couvrirent de caresses filiales ; son ressentiment se dissipa bientôt devant ces preuves d’affection, quoiqu’il jetât de temps à autre un regard assez sournois du côté du missionnaire qui s’était levé et dont il ne distinguait pas parfaitement la figure.

— Et ta blessure ? lui dit Rose avec intérêt ; on nous a dit qu’heureusement elle n’était pas dangereuse.