Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/480

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de Dagobert occupait depuis plus de vingt ans ; la jeune fille avait été pour ainsi dire élevée avec Agricol et Gabriel.

Il y a de pauvres êtres fatalement voués au malheur ; la Mayeux avait une très-jolie sœur, à qui Perrine Soliveau, leur mère commune, veuve d’un petit commerçant ruiné, avait réservé son aveugle et absurde tendresse, n’ayant pour sa fille disgraciée que dédains et duretés ; celle-ci venait pleurer auprès de Françoise qui la consolait, qui l’encourageait, et qui, pour la distraire, le soir à la veillée, lui montrait à lire et à coudre.

Habitués par l’exemple de leur mère à la commisération, au lieu d’imiter les autres enfants, assez enclins à railler, à tourmenter et souvent même à battre la petite Mayeux, Agricol et Gabriel l’aimaient, la protégeaient, la défendaient.

Elle avait quinze ans, et sa sœur Céphise dix-sept ans, lorsque leur mère mourut, les laissant toutes deux dans une affreuse misère.

Céphise était intelligente, active, adroite ; mais, au contraire de sa sœur, c’était une de ces natures vivaces, remuantes, alertes, chez qui la vie surabonde, qui ont besoin d’air, de mouvement, de plaisirs, bonne fille, du reste, quoique stupidement gâtée par sa mère.