Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/515

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bonheur… ma mère, si toute la famille était réunie !

— Que Dieu t’entende, mon enfant !… ce serait un beau jour pour moi…

— Et ce jour arrivera bientôt, croyez-moi ; avec mon père… pas de nouvelles… bonnes nouvelles…

— Te rappelles-tu bien ton père ? Agricol, dit la Mayeux.

— Ma foi, pour être juste, ce que je me rappelle surtout, c’est son grand bonnet à poil et ses moustaches qui me faisaient une peur du diable. Il n’y avait que le ruban rouge de la croix sur les revers blancs de son uniforme, et la brillante poignée de son sabre, qui me raccommodassent un peu avec lui, n’est-ce pas, ma mère ?… Mais qu’as-tu donc ?… tu pleures.

— Hélas ! pauvre Baudoin… il a dû tant souffrir… depuis qu’il est séparé de nous, à son âge, soixante ans passés… Ah ! mon cher enfant… mon cœur se fend quand je pense qu’il va ne faire peut-être que changer de misère.

— Que dites-vous ?…

— Hélas ! je ne gagne rien…

— Eh bien ! et moi donc ? Est-ce que ne voilà pas une chambre pour lui et pour toi, une table pour lui et pour toi ?… Seulement, ma bonne mère, puisque nous parlons ménage,