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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/549

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Car si, pour certaines créatures fatalement vouées à la souffrance, il est des douleurs inconnues au monde, quelquefois il est pour elles d’humbles et timides joies, inconnues aussi… Le moindre mot de tendre affection qui les relève à leurs propres yeux est si bienfaisant, si ineffable pour ces pauvres êtres habituellement voués aux dédains, aux duretés et au doute désolant de soi-même !

— Ainsi c’est convenu, tu iras… demain matin chez cette demoiselle… n’est-ce pas ?… s’écria la Mayeux renaissant à l’espoir. Au point du jour, je descendrai veiller à la porte de la rue, afin de voir s’il n’y a rien de suspect, et de pouvoir t’avertir…

— Bonne et excellente fille !… dit Agricol de plus en plus ému.

— Il faudra tâcher de partir avant le réveil de ton père… Le quartier où demeure cette demoiselle est si désert… que ce sera presque te cacher… que d’y aller…

— Il me semble entendre la voix de mon père, dit tout à coup Agricol.

En effet, la chambre de la Mayeux était si voisine de la mansarde du forgeron, que celui-ci et la couturière, prêtant l’oreille, entendirent Dagobert qui disait dans l’obscurité :

— Agricol… est-ce que tu dors, mon gar-