Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/564

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autres, que par escadrons, et à grands coups de latte avec accompagnement d’obus et de mitraille ?

— Digne père !… s’écria le forgeron, comme c’est beau et noble à lui de te rendre cette justice !…

— Ah ! mon frère… sa bonté pour moi lui exagère ce qui est naturel…

— Naturel… pour des gaillards de ta trempe, oui, dit le soldat, et cette trempe-là est rare…

— Oh ! oui, bien rare, car ce courage-là est le plus admirable des courages, reprit Agricol. Comment ! tu sais aller à une mort presque certaine, et tu pars seul, un crucifix à la main, pour prêcher la charité, la fraternité chez les sauvages ; ils te prennent, ils te torturent, et toi, tu attends la mort sans te plaindre, sans haine, sans colère, sans vengeance… le pardon à la bouche… le sourire aux lèvres… et cela au fond des bois, seul, sans qu’on le sache, sans qu’on le voie, sans autre espoir, si tu en réchappes, que de cacher tes blessures sous ta modeste robe noire… Mordieu !… mon père a raison, viens donc encore soutenir que tu n’es pas aussi brave que lui ?

— Et encore, reprit Dagobert, le pauvre enfant fait tout cela pour le roi de Prusse, car, comme tu dis, mon garçon, son courage et ses