Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/591

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Pour faire non pas excuser, mais comprendre l’excentricité des tableaux suivants, il faut mettre en lumière quelques côtés saillants du caractère original de mademoiselle de Cardoville.

Cette originalité consistait en une excessive indépendance d’esprit, jointe à une horreur naturelle de ce qui était laid et repoussant, et à un besoin insurmontable de s’entourer de tout ce qui était beau et attrayant.

Le peintre le plus amoureux du coloris, le statuaire le plus épris de la forme, n’éprouvaient pas plus qu’Adrienne le noble enthousiasme que la vue de la beauté parfaite inspire toujours aux natures d’élite.

Et ce n’était pas seulement le plaisir des yeux que cette fille aimait à satisfaire : les modulations harmonieuses du chant, la mélodie des instruments, la cadence de la poésie, lui causaient des plaisirs infinis, tandis qu’une voix aigre, un bruit discordant, lui faisaient éprouver la même impression pénible, presque douloureuse, qu’elle ressentait involontairement à la vue d’un objet hideux. Aimant aussi passionnément les fleurs, les senteurs suaves, elle jouissait des parfums comme elle jouissait de la musique, comme elle jouissait de la beauté plastique… Faut-il enfin avouer