Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/592

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cette énormité ? Adrienne était friande et appréciait mieux que personne la pulpe fraîche d’un beau fruit, la saveur délicate d’un faisan doré cuit à point, ou le bouquet odorant d’un vin généreux.

Mais Adrienne jouissait de tout avec une réserve exquise ; elle mettait sa religion à cultiver, à raffiner les sens que Dieu lui avait donnés ; elle eût regardé comme une noire ingratitude d’émousser ces dons divins par des excès, ou de les avilir par des choix indignes dont elle se trouvait d’ailleurs préservée par l’excessive et impérieuse délicatesse de son goût.

Le beau et le laid remplaçaient pour elle le bien et le mal.

Son culte pour la grâce, pour l’élégance, pour la beauté physique, l’avait conduite au culte de la beauté morale ; car si l’expression d’une passion méchante et basse enlaidit les plus beaux visages, les plus laids sont ennoblis par l’expression des sentiments généreux.

En un mot, Adrienne était la personnification la plus complète, la plus idéale de la sensualité… non de cette sensualité vulgaire, ignare, inintelligente, mal apprise, toujours faussée, corrompue par l’habitude ou par la nécessité de jouissances grossières et sans recherche, mais