Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/593

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de cette sensualité exquise qui est aux sens ce que l’atticisme est à l’esprit.

L’indépendance du caractère de cette jeune fille était extrême. Certaines sujétions humiliantes imposées à la femme par sa position sociale la révoltaient surtout ; elle avait résolu hardiment de s’y soustraire.

Du reste, il n’y avait rien de viril chez Adrienne ; c’était la femme la plus femme qu’on puisse s’imaginer : femme par sa grâce, par ses caprices, par son charme, par son éblouissante et féminine beauté ; femme par sa timidité comme par son audace ; femme par sa haine du brutal despotisme de l’homme comme par le besoin de se dévouer follement, aveuglément, pour celui qui pouvait mériter ce dévouement ; femme aussi par son esprit piquant, un peu paradoxal ; femme supérieure enfin par son dédain juste et railleur pour certains hommes très-haut placés ou très-adulés qu’elle avait parfois rencontrés dans le salon de sa tante, la princesse de Saint-Dizier, lorsqu’elle habitait avec elle.

Ces indispensables explications données, nous ferons assister le lecteur au lever d’Adrienne de Cardoville qui sortait du bain.

Il faudrait posséder le coloris éclatant de l’école vénitienne pour rendre cette scène