Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/618

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— Vous voyez que j’aime l’équité, ajouta mademoiselle de Cardoville en lui montrant du doigt la petite plaque d’argent ; un peintre signe son tableau… un écrivain son livre, je tiens à ce qu’un ouvrier signe son œuvre.

— Comment ! mademoiselle, ce nom ?…

— Est celui du pauvre ciseleur qui a exécuté ce rare chef-d’œuvre pour un riche orfèvre… Lorsque celui-ci m’a vendu ce vase, il a été stupéfait de ma bizarrerie, il m’aurait presque dit de mon injustice, lorsque, après m’être fait nommer l’auteur de ce merveilleux ouvrage, j’ai voulu que ce fût son nom au lieu de celui de l’orfèvre qui fût inscrit sur le socle… À défaut de richesse, que l’artisan ait au moins le renom, n’est-ce pas juste, monsieur ?

Il était impossible à Adrienne d’engager plus gracieusement l’entretien ; aussi le forgeron, commençant à se rassurer, répondit :

— Étant ouvrier moi-même, mademoiselle… je ne puis qu’être doublement touché d’une pareille preuve d’équité.

— Puisque vous êtes ouvrier, monsieur, je me félicite de cet à-propos, mais veuillez vous asseoir.

Et d’un geste rempli d’affabilité, elle lui indiqua un fauteuil de soie pourpre, broché d’or,