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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/622

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de la mériter. Continuez donc, je vous en prie.

Malgré la gracieuse cordialité de mademoiselle de Cardoville, on devinait chez elle tant de cette dignité naturelle que donnent toujours l’indépendance du caractère, l’élévation de l’esprit et la noblesse des sentiments, qu’Agricol, oubliant l’idéale beauté de sa protectrice, éprouva bientôt pour elle une sorte d’affectueux et profond respect, qui contrastait singulièrement avec l’âge et la gaieté de la jeune fille qui lui inspirait ce sentiment.

— Si je n’avais que ma mère, mademoiselle, à la rigueur je ne m’inquiéterais pas trop d’un chômage forcé ; entre pauvres gens on s’aide, ma mère est adorée dans la maison, nos braves voisins viendraient à son secours ; mais ils ne sont pas heureux, et ils se priveraient pour elle, et leurs petits services lui seraient plus pénibles que la misère même, et puis enfin ce n’est pas seulement pour ma mère que j’ai besoin de travailler, mais pour mon père ; nous ne l’avions pas vu depuis dix-huit ans ; il vient d’arriver de Sibérie… il y était resté par dévouement à son ancien général, aujourd’hui le maréchal Simon.

— Le maréchal Simon !… dit vivement Adrienne avec une expression de surprise.

— Vous le connaissez, mademoiselle ?