Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/83

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— Après tout, le Prophète a eu tort de lui chercher une mauvaise querelle ; c’est un étranger…

— Et comme étranger, s’il se battait et qu’il fût pris, il en aurait pour un bon temps de prison…

— Et puis enfin…, ajouta un autre, il voyage avec deux jeunes filles. Est-ce que dans cette position-là il peut se battre pour une misère ? S’il était tué ou prisonnier, qu’est-ce qu’elles deviendraient, ces pauvres enfants ?…

Dagobert se tourna vers celui des spectateurs qui venait de prononcer ces mots. Il vit un gros homme à figure franche et naïve ; le soldat lui tendit la main et lui dit d’une voix émue :

— Merci, monsieur !

L’Allemand serra cordialement la main que Dagobert lui offrait.

— Monsieur, ajouta-t-il en tenant toujours dans ses mains les mains du soldat, faites une chose… acceptez un bol de punch avec nous ; nous forcerons bien ce diable de Prophète à convenir qu’il a été trop susceptible et à trinquer avec vous…

Jusqu’alors le dompteur de bêtes, désespéré de l’issue de cette scène, car il espérait que le soldat accepterait sa provocation, avait regardé avec un dédain farouche ceux qui abandonnaient son parti ; peu à peu ses traits s’adouci-