Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mon Dieu ! ma sœur, quelle horrible pensée !…

— Qu’as-tu donc ? tu me fais peur !…

— Au moment où tu disais que notre père nous saurait gré de nous suffire à nous-mêmes, comme si nous étions seules au monde… une affreuse idée m’est venue… je ne sais pourquoi… et puis… tiens, sens comme mon cœur bat, on dirait qu’il va nous arriver un malheur.

— C’est vrai, ton pauvre cœur bat d’une force… Mais à quoi as-tu donc pensé ? tu m’effrayes.

— Quand nous avons été prisonnières, au moins on ne nous a pas séparées ; et puis enfin, la prison, c’était un asile…

— Oui, bien triste, quoique partagé avec toi…

— Mais si, en arrivant ici, un hasard… un malheur… nous avait séparées de Dagobert ; si nous nous étions trouvées… seules… abandonnées sans ressources dans cette grande ville ?

— Ah ! ma sœur… ne dis pas cela… tu as raison. C’est terrible… Que devenir ? mon Dieu !

À cette triste pensée, les deux jeunes filles restèrent un moment silencieuses et accablées.

Leurs jolies figures, jusqu’alors animées d’une noble espérance, pâlirent et s’attristèrent.