Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/193

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Après un assez long silence, Rose leva la tête : ses yeux étaient humides de larmes.

— Mon Dieu ! dit-elle d’une voix tremblante, pourquoi donc cette pensée nous attriste-t-elle autant, ma sœur ?… J’ai le cœur navré comme si ce malheur devait nous arriver un jour…

— Je ressens, comme toi… une grande frayeur… Hélas !… toutes deux perdues dans cette ville immense… Qu’est-ce que nous ferions ?

— Tiens… Blanche… n’ayons pas de ces idées-là… Ne sommes-nous pas ici chez Dagobert… au milieu de bien bonnes gens ?…

— Vois-tu, ma sœur, reprit Rose d’un air pensif, c’est peut-être un bien… que cette pensée nous soit venue.

— Pourquoi donc ?

— Maintenant, nous trouverons ce pauvre logis d’autant meilleur, que nous y serons à l’abri de toutes nos craintes… Et lorsque, grâce à notre travail, nous serons sûres de n’être à charge à personne… que nous manquera-t-il en attendant l’arrivée de notre père ?

— Il ne nous manquera rien… tu as raison… mais enfin pourquoi cette pensée nous est-elle venue ? pourquoi nous accable-t-elle si douloureusement ?

— Oui, enfin… pourquoi ? Après tout, ne