Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/223

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— Hélas ! mon père, dit Françoise avec accablement, je le sais, je suis une grande pécheresse… et je crains d’être sur la voie de péchés bien plus graves.

— Parlez.

— Mon mari a amené du fond de la Sibérie deux jeunes orphelines… filles de M. le maréchal Simon… Hier matin, je les ai engagées à faire leurs prières, et j’ai appris par elles, avec autant de frayeur que de désolation, qu’elles ne connaissaient aucun des mystères de la foi, quoiqu’elles soient âgées de quinze ans ; elles n’ont jamais approché d’aucun sacrement, et elles n’ont pas même reçu le baptême, mon père… pas même le baptême !…

— Mais ce sont donc des idolâtres ? s’écria la voix avec un accent de surprise courroucée.

— C’est ce qui me désole, mon père, car moi et mon mari remplaçant les parents de ces jeunes orphelines, nous serions coupables des péchés qu’elles pourraient commettre, n’est-ce pas, mon père ?

— Certainement… puisque vous remplacez ceux qui doivent veiller sur leur âme ; le pasteur répond de ses brebis, dit la voix.

— Aussi, mon père, dans le cas où elles seraient en péché mortel, moi et mon mari nous serions en péché mortel !