Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/188

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— Et où serait-elle allée sans moi, ma bonne mère Arsène ? Depuis que son amant a été arrêté, elle n’a pas osé retourner chez elle parce qu’ils y devaient toutes sortes de termes. Voyant sa peine, je lui ai dit : « Viens toujours loger chez Philémon. À son retour, nous verrons à te caser autrement. »

— Dame ! mademoiselle, si vous m’assurez que M. Philémon ne sera pas fâché… à la bonne heure.

— Fâché ! et de quoi ? qu’on lui abîme son ménage ? Il est gentil, son ménage ! Hier, j’ai cassé la dernière tasse… et voilà dans quelle drôle de chose je suis réduite à venir chercher du lait.

Et Rose-Pompon, riant aux éclats, sortit son joli petit bras blanc de son manteau et fit voir à la mère Arsène un de ces verres à vin de champagne de capacité colossale, qui tiennent une bouteille environ.

— Ah ! mon Dieu ! dit la fruitière ébahie, on dirait une trompette de cristal ?

— C’est le verre de grande tenue de Philémon, dont on l’a décoré quand il a été reçu canotier flambard, dit gravement Rose-Pompon.

— Et dire qu’il va falloir vous mettre votre lait là-dedans, ça me rend toute honteuse, dit la mère Arsène.