Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/25

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— Il y a, en effet, douze ans, mon père, reprit Gabriel d’une voix ferme, et en s’animant peu à peu, que, par vos soins, je suis entré dans un collège de la compagnie de Jésus… J’y entrai aimant, loyal et confiant… Comment a-t-on encouragé tout d’abord ces précieux instincts de l’enfance ?… Le voici… Le jour de mon arrivée, le supérieur me dit, en me désignant deux enfants un peu plus âgés que moi :

« — Voilà les compagnons que vous préférerez ; vous vous promènerez toujours tous trois ensemble : la règle de la maison défend tout entretien à deux personnes ; la règle veut aussi que vous écoutiez attentivement ce que diront vos compagnons, afin de pouvoir me le rapporter, car ces chers enfants peuvent avoir, à leur insu, des pensées mauvaises, ou projeter de commettre des fautes ; or, si vous aimez vos camarades, il faut m’avertir de leurs fâcheuses tendances, afin que mes remontrances paternelles leur épargnent la punition en prévenant les fautes ;… il vaut mieux prévenir le mal que de le punir. »

— Tels sont, en effet, mon cher fils, dit le père d’Aigrigny, la règle de nos maisons et le langage que l’on tient à tous les élèves qui s’y présentent.

— Je le sais, mon père…, répondit Gabriel