Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/318

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gards de ceux du jésuite ; il ne parlait plus, et elle écoutait encore. Ce qu’éprouvait cette belle jeune fille, si élégante, à l’aspect de ce vieux petit homme, chétif, laid et sale, était inexplicable. La comparaison si vulgaire, et pourtant si vraie, de l’effrayante fascination du serpent sur l’oiseau pourrait, néanmoins, donner une idée de cette impression étrange.

La tactique de Rodin était habile et sûre.

Jusqu’alors mademoiselle de Cardoville n’avait raisonné ni ses goûts ni ses instincts ; elle s’y était livrée parce qu’ils étaient inoffensifs et charmants. Combien donc devait-elle être heureuse et fière d’entendre un homme doué d’un esprit supérieur, non-seulement la louer de ces tendances, dont elle avait été naguère si amèrement blâmée, mais l’en féliciter comme d’une chose grande, noble et divine.

Si Rodin se fût seulement adressé à l’amour-propre d’Adrienne, il eût échoué dans ses menées perfides, car elle n’avait pas la moindre vanité ; mais il s’adressait à tout ce qu’il y avait d’exalté, de généreux, dans le cœur de cette jeune fille ; ce qu’il semblait encourager, admirer en elle, était réellement digne d’encouragement et d’admiration. Comment n’eût-elle pas été dupe de ce langage qui ca-