Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/543

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

infortunée pour son frère adoptif, si l’on a remarqué plusieurs passages de ce manuscrit où elle révélait les douloureuses blessures qu’Agricol lui avait souvent faites sans le savoir, si l’on se rappelle enfin quelle était sa terreur du ridicule, on comprendra son désespoir insensé après la lecture de cette lettre infâme.

La Mayeux ne songea pas un moment à toutes les nobles paroles, à tous les récits touchants que renfermait son journal ; la seule et horrible idée qui foudroya l’esprit égaré de cette malheureuse, fut que, le lendemain, Agricol, mademoiselle de Cardoville, et une foule insolente et railleuse, auraient connaissance et seraient instruits de cet amour d’un ridicule atroce, qui devait, croyait-elle, l’écraser de confusion et de honte.

Ce nouveau coup fut si étourdissant, que la Mayeux plia un moment sous ce choc imprévu.

Durant quelques minutes, elle resta complètement inerte, anéantie ; puis, avec la réflexion, lui vint tout à coup la conscience d’une nécessité terrible…

Cette maison si hospitalière, où elle avait trouvé un refuge assuré après tant de malheurs, il lui fallait la quitter à tout jamais. La timidité craintive, l’ombrageuse délicatesse de la pauvre créature, ne lui permettaient pas de rester une minute de plus dans cette demeure, où les