Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/557

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L’un d’eux était jeune encore et assez bien vêtu ; mais son débraillé, sa cravate lâche à demi nouée, sa chemise tachée de vin, sa chevelure en désordre, ses traits fatigués, son teint marbré, ses yeux rougis, annonçaient qu’une nuit d’orgie avait précédé cette matinée, tandis que son geste brusque et lourd, sa voix éraillée, son regard parfois éclatant ou stupide, prouvaient qu’aux dernières fumées de l’ivresse de la veille se joignaient déjà les premières atteintes d’une ivresse nouvelle.

Le compagnon de cet homme lui dit en choquant son verre contre le sien :

— À votre santé, mon garçon !

— À la vôtre ! répondit le jeune homme, quoique vous me fassiez l’effet d’être le diable…

— Moi !… le diable ?

— Oui.

— Et pourquoi ?

— D’où me connaissez-vous ?

— Vous repentez-vous de m’avoir connu ?

— Qui vous a dit que j’étais prisonnier à Sainte-Pélagie ?

— Vous ai-je tiré de prison ?

— Pourquoi m’en avez-vous tiré ?

— Parce que j’ai bon cœur.

— Vous m’aimez peut-être… comme le boucher aime le bœuf qu’il mène à l’abattoir.