Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/57

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de la cheminée, où il alla s’accouder, après avoir jeté sur le père d’Aigrigny un regard de supériorité dédaigneuse et courroucée, accompagné d’un haussement d’épaules très significatif.

Ensuite de cette manifestation involontaire et heureusement inaperçue du père d’Aigrigny, la figure cadavéreuse du socius reprit son calme glacial ; ses flasques paupières, un moment relevées par la colère et l’impatience, retombèrent et voilèrent à demi ses petits yeux ternes.

Il faut l’avouer, le père d’Aigrigny, malgré sa parole élégante et facile, malgré la séduction de ses manières exquises, malgré l’agrément de son visage et de ses dehors d’homme du monde accompli et raffiné, le père d’Aigrigny était souvent effacé, dominé par l’impitoyable fermeté, par l’astuce et la profondeur diabolique de Rodin, de ce vieux homme repoussant, crasseux, misérablement vêtu, qui sortait pourtant très-rarement de son humble rôle de secrétaire et de muet auditeur.

L’influence de l’éducation est si puissante, que Gabriel, malgré la rupture formelle qu’il venait de provoquer, se sentait encore intimidé en présence du père d’Aigrigny, et il attendait avec une douloureuse angoisse la réponse du