Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/611

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expérience, mon savoir ; au lieu de me traiter comme une espèce inférieure, vous entrez en communion avec moi ; il est de mon intérêt, il est de mon devoir de vous dire tout ce que je sais, et de tâcher d’acquérir encore. » Et voilà, mademoiselle Angèle, comment le spéculateur organiserait des ateliers à faire honte et envie à ses concurrents. Maintenant, si, au lieu de ce calculateur au cœur sec, il s’agissait d’un homme qui, joignant à la science des chiffres les tendres et généreuses sympathies d’un cœur évangélique et l’élévation d’un esprit éminent, étendrait son ardente sollicitude non-seulement sur le bien-être matériel, mais sur l’émancipation morale des ouvriers, cherchant par tous les moyens possibles à développer leur intelligence, à rehausser leur cœur, et qui, fort de l’autorité que lui donneraient ses bienfaits, sentant surtout que celui-là de qui dépend le bonheur ou le malheur de trois cents créatures humaines a aussi charge d’âmes, guiderait ceux qu’il n’appellerait plus ses ouvriers, mais ses frères, dans les voies les plus droites, les plus nobles, tâcherait de faire naître en eux le goût de l’instruction, des arts, qui les rendrait enfin heureux et fiers d’une condition qui n’est souvent acceptée par d’autres qu’avec des larmes de malédiction et de désespoir… eh bien ! ma-