Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/104

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encore quelque peu contre le lourd hébétement d’une ivresse presque continuelle. Déshabitué du travail, ne pouvant plus se passer de plaisirs grossiers, cherchant à noyer dans le vin un reste d’honnêteté qui se révoltait en lui, Jacques en était venu à accepter sans honte la large aumône de sensualités abrutissantes que lui faisait Morok, celui-ci soldant les frais assez considérables de leurs orgies, mais ne lui donnant jamais d’argent, afin de le garder toujours dans sa dépendance.

Après avoir pendant quelque temps contemplé Morok avec ébahissement, Jacques lui dit :

— C’est égal, c’est un fier métier que le tien… (ils se tutoyaient alors) ; tu peux te vanter qu’il n’y a pas, à l’heure qu’il est, deux hommes comme toi, dans le monde entier ;… et c’est flatteur… C’est dommage que tu ne te bornes pas à ce beau métier-là.

— Que veux-tu dire ?

— Et cette conspiration aux frais de laquelle tu me fais nocer tous les jours et toutes les nuits ?

— Ça chauffe ; mais le moment n’est pas encore venu ; c’est pour cela que je veux t’avoir toujours sous la main jusqu’au grand jour… Te plains-tu ?

— Non, mordieu ! dit Jacques, qu’est-ce que