Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/209

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finissaient pas d’aventure la fosse commencée, d’obligeants compagnons, la finissant pour eux (c’était le mot), les y plaçaient amicalement.

Aux joyeux refrains des fossoyeurs répondaient d’autres flonflons lointains ; des cabarets s’étaient improvisés aux environs des cimetières, et les cochers des morts, une fois leurs pratiques descendues à leur adresse, comme ils disaient ingénieusement, les cochers des morts, riches d’un salaire extraordinaire, banquetaient, rigolaient, en seigneurs ; souvent l’aurore les surprit le verre à la main et la gaudriole aux lèvres… Observation bizarre : chez ces gens de funérailles, vivant dans les entrailles du fléau, la mortalité fut presque nulle.

Dans les quartiers sombres, infects, où, au milieu d’une atmosphère morbide, vivaient entassés une foule de prolétaires déjà épuisés par les plus dures privations, et, ainsi que l’on disait énergiquement alors, tout mâchés pour le choléra, il ne s’agissait plus d’individus, mais de familles entières enlevées en quelques heures ; pourtant, parfois, ô clémence providentielle ! un ou deux petits enfants restaient seuls dans la chambre froide et délabrée, après que père et mère, frère et sœur, étaient partis en cercueil.

Souvent aussi on fut obligé de fermer, faute