Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/236

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choléra ? A-t-il osé atteindre notre bataillon sacré ? dit un magnifique Turc-saltimbanque, l’un des porte-bannière de la mascarade.

— Voilà tout le mystère, reprit un autre. C’est bien simple. Éclatez de rire au nez du bonhomme-fléau, et il vous tourne aussitôt les talons.

— Il se rend justice, car c’est joliment bête ce qu’il fait, ajouta une jolie petite pierrette, en vidant lestement son verre.

— Tu as raison, Chouchoux, c’est bête, et archibête, reprit le pierrot de la pierrette ; car enfin, vous êtes là, bien tranquille, jouissant du bonheur de la vie, et tout d’un coup, après une atroce grimace, vous mourez… Eh bien ! après ? Comme c’est malin ! comme c’est drôle ! Je vous demande un peu ce que ça prouve ?

— Ça prouve, reprit un illustre peintre romantique, déguisé en Romain de l’école de David, ça prouve que le choléra est un pitoyable coloriste, car sa palette n’a qu’un ton, un mauvais ton verdâtre… Évidemment le drôle a étudié cet assommant Jacobus, le roi des peintres classiques, fléau d’une autre espèce…

— Pourtant, maître, ajouta respectueusement un élève du grand peintre, j’ai vu des cholériques dont les convulsions avaient assez de