Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/242

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prochait de la France. Au choléra ! avait dit Céphyse. Qu’il épargne ceux qui ont envie de vivre, et qu’il fasse mourir ensemble ceux qui ne veulent pas se quitter !

À ce moment même, songeant à ces tristes paroles, Jacques était péniblement absorbé. Morok, s’apercevant de sa préoccupation, lui dit tout haut :

— Ah çà !… tu ne bois plus, Jacques ? Tu as donc assez de vin ? Est-ce de l’eau-de-vie qu’il te faut ?… je vais en demander.

— Il ne me faut ni vin ni eau-de-vie…, répondit brusquement Jacques.

Et il retomba dans une sombre rêverie.

— Au fait, tu as raison, reprit Morok d’un ton sardonique en élevant de plus en plus la voix, tu fais bien de te ménager… j’étais fou de parler d’eau-de-vie :… par le temps qui court… il y aurait autant de témérité à se mettre en face d’une bouteille d’eau-de-vie que devant la gueule d’un pistolet chargé.

En entendant mettre en doute son courage de buveur, Couche-tout-Nu regarda Morok d’un air irrité.

— Ainsi, c’est par poltronnerie que je n’ose pas boire d’eau-de-vie ? s’écria ce malheureux, dont l’intelligence, à demi éteinte, se réveillait pour défendre ce qu’il appelait sa dignité ; c’est