Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/249

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Morok, c’est leur bière qu’il faut dire… car, le temps pressant, on a mis l’enfant avec la mère dans le même cercueil.

— Une femme !… s’écria la Folie en s’adressant au garçon ; c’est une femme qui est morte ?

— Oui, madame, une pauvre jeune femme de vingt ans, répondit tristement le garçon ; sa petite fille qu’elle nourrissait est morte un peu après elle ;… tout cela en moins de deux heures… Le patron est bien fâché à cause du trouble que ça peut mettre dans votre repas… Mais il ne pouvait pas prévoir ce malheur, car hier matin cette jeune femme n’était pas du tout malade ; au contraire, elle chantait à pleine voix ; il n’y avait personne de plus gai qu’elle.

À ces mots, on eût dit qu’un crêpe funèbre s’étendait tout à coup sur cette scène naguère si joyeuse ; toutes ces faces rubicondes et épanouies se contristèrent subitement ; personne n’eut le courage de plaisanter sur cette mère et son enfant que l’on clouait dans le même cercueil.

Le silence devint si profond que l’on entendait quelques respirations oppressées par la terreur ; les derniers coups de marteau semblèrent douloureusement retentir dans tous les cœurs ; on eût dit que tant de sentiments tristes et pénibles, jusqu’alors refoulés, allaient