Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/39

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réflexions amères. Georgette rentra et dit à sa maîtresse :

— Mademoiselle peut-elle recevoir M. le comte de Montbron ?

Adrienne, sachant trop vivre pour témoigner devant ses femmes l’espèce d’impatience que lui causait une venue inopportune, dit à Georgette :

— Vous avez dit à M. de Montbron que j’étais chez moi ?

— Oui, mademoiselle.

— Priez-le d’entrer.

Quoique mademoiselle de Cardoville ressentît à ce moment une assez vive contrariété de l’arrivée de M. de Montbron, hâtons-nous de dire qu’elle avait pour lui une affection presque filiale, une estime profonde, et pourtant, par un contraste assez fréquent d’ailleurs, elle se trouvait presque toujours d’un avis opposé au sien, et il en résultait, lorsque mademoiselle de Cardoville avait toute sa liberté d’esprit, les discussions les plus follement gaies ou les plus animées, discussions dans lesquelles, malgré sa verve moqueuse et sceptique, sa vieille expérience, sa rare connaissance des hommes et des choses, disons enfin le mot, malgré sa rouerie de bonne compagnie, M. de Montbron n’avait pas toujours l’avantage, et il