Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une gaieté feinte et forcée ; de son côté, celui-ci, malgré sa grande habitude du monde, se trouvant fort embarrassé d’aborder le sujet dont il désirait conférer avec Adrienne, résolut, comme on dit vulgairement, de tâter le terrain avant d’engager sérieusement la conversation.

Après avoir regardé la jeune fille pendant quelques secondes, M. de Montbron secoua la tête, et dit avec un soupir de regret :

— Ma chère enfant… je ne suis pas content…

— Quelque peine de cœur… ou de creps, mon cher comte ? dit Adrienne en souriant.

— Une peine de cœur !… dit M. de Montbron.

— Comment, vous si beau joueur, vous auriez plus de souci d’un coup de tête féminin… que d’un coup de dés ?

— J’ai une peine de cœur… et c’est vous qui me la causez, ma chère enfant.

— M. de Montbron, vous allez me rendre très-orgueilleuse, dit Adrienne en souriant.

— Et vous auriez grand tort ;… car ma peine de cœur vient justement, je vous le dis brutalement, de ce que vous négligez votre beauté… Oui, voyez vos traits pâles, abattus, fatigués ;… depuis quelques jours, vous êtes