Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/43

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triste… vous avez quelque chagrin… j’en suis sûr.

— Mon cher M. de Montbron, vous avez tant de pénétration qu’il vous est permis d’en manquer une fois ;… et cela vous arrive… aujourd’hui… Je ne suis pas triste, je n’ai aucun chagrin… et je vais vous dire une bien énorme, une bien orgueilleuse impertinence :… jamais je ne me suis trouvée si jolie.

— Il n’y a rien de plus modeste, au contraire, que cette prétention… Et qui vous a dit ce mensonge-là ? une femme ?

— Non… c’est mon cœur, et il a dit vrai, reprit Adrienne avec une légère émotion.

Puis elle ajouta :

— Comprenez… si vous pouvez.

— Prétendez-vous par là que vous êtes fière de l’altération de vos traits, parce que vous êtes fière des souffrances de votre cœur ? dit M. de Montbron en examinant Adrienne avec attention. Soit ; j’avais donc raison ; vous avez un chagrin… J’insiste…, ajouta le comte d’un ton vraiment pénétré, parce que cela m’est pénible…

— Rassurez-vous ; je suis on ne peut plus heureuse, car à chaque instant je me complais dans cette pensée : qu’à mon âge je suis libre… absolument libre.