Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/83

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lez-vous, monsieur ! il est bien difficile à un rare esprit comme le vôtre de garder l’incognito ; cependant, comme il se pourrait que, par des voies différentes, oh ! très-différentes, ajouta la jeune fille avec malice, nous concourions au même but… (toujours selon notre entretien de chez M. Baleinier), je veux, dans l’intérêt de notre communion future, comme vous disiez, vous donner un conseil… et vous parler franchement.

Rodin avait écouté mademoiselle de Cardoville avec une apparente impassibilité, tenant son chapeau sous son bras, ses mains croisées sur son gilet et faisant tourner ses pouces ; la seule marque extérieure du trouble terrible où le jetaient les calmes paroles d’Adrienne, fut que les paupières livides du jésuite, hypocritement abaissées, devinrent peu à peu très-rouges, tant le sang y affluait violemment.

Il répondit néanmoins à mademoiselle de Cardoville d’une voix assurée et en s’inclinant profondément :

— Un bon conseil et une franche parole sont choses toujours excellentes…

— Voyez-vous, monsieur, reprit Adrienne avec une légère exaltation, l’amour heureux donne une telle pénétration, une telle énergie, un tel courage, que les périls, on s’en joue ;…