Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/85

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— Ah !… c’est une exécution ? dit Rodin toujours impassible.

— Non, monsieur, reprit Adrienne en souriant ; c’est une simple conversation entre une pauvre jeune fille et un vieux philosophe, ami du bien. Supposez donc que les fréquents… services que vous avez rendus à moi et aux miens m’aient tout à coup ouvert les yeux, ou plutôt, ajouta la jeune fille d’un ton grave, supposez que Dieu, qui donne à la mère l’instinct de défendre son enfant… m’ait donné à moi, avec mon bonheur, l’instinct de conservation de ce bonheur, et que je ne sais quel pressentiment, en éclairant mille circonstances jusqu’alors obscures, m’ait tout à coup révélé qu’au lieu d’être mon ami, vous êtes peut-être l’ennemi le plus dangereux de moi et de ma famille…

— Ainsi, nous passons de l’exécution aux suppositions ? dit Rodin toujours imperturbable.

— Et de la supposition, monsieur, puisqu’il faut le dire, à la certitude, reprit Adrienne avec une fermeté digne et sereine ; oui, maintenant, je le crois, j’ai été quelque temps votre dupe… et je vous le dis sans haine, sans colère, mais avec regret, il est pénible de voir un homme de votre intelligence, de