Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/230

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par la fatigue, une soif brûlante la dévore…

Elle ressent ces infirmités… elle souffre… et elle ose à peine y croire.

Sa joie serait trop immense…

Mais son gosier, de plus en plus desséché, se contracte ; sa gorge est en feu… Elle aperçoit la source, et se précipite à genoux pour se désaltérer à ce courant cristallin et transparent comme un miroir.

Que se passe-t-il donc ?

À peine ses lèvres enflammées ont-elles effleuré cette eau fraîche et pure, que, toujours agenouillée au bord du ruisseau, et appuyée sur ses deux mains, cette femme cesse brusquement de boire et se regarde avidement dans la glace limpide…

Tout à coup, oubliant la soif qui la dévore encore, elle pousse un grand cri… un cri de joie profonde, immense, religieuse, comme une action de grâces infinie envers le Seigneur.

Dans ce miroir profond… elle vient de s’apercevoir qu’elle a vieilli…

En quelques jours, en quelques heures, en quelques minutes, à l’instant peut-être… elle a atteint la maturité de l’âge…

Elle qui, depuis plus de dix-huit siècles, avait vingt ans, et traînait, à travers les mondes