Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la plus noble dépravation ? souillant le lit royal par tous les excès, ayant là, derrière lui, aux yeux de tous, sa femme et sa maitresse accouplées dans une commune ignominie ? l’avez-vous entendu, cet infâme hypocrite ? Dieu juste ! il a osé invoquer les devoirs paternels ! il a osé invoquer les vertus de famille ! il a osé menacer de ses rigueurs ceux-là qui ne feraient pas si bien instruire leurs enfants qu’ils ne puissent tomber en de mauvaises doctrines ! Dieu juste ! tu l’as entendu, ce sycophante couronné ? Il t’offrirait ses rejetons en sacrifice s’ils tombaient en ces maudites hérésies !… et le cynisme de la vie infâme de ce prince devrait inspirer à ses fils le mépris, l’horreur d’un tel père, s’ils n’avaient sucé la corruption avec le lait, s’ils ne partageaient pas les débauches paternelles ! Ô roi très-chrétien ! Ignace de Loyola, dans sa profonde connaissance des indignités de l’âme humaine, a flairé ta morale ; elle est celle que ses disciples vont prêcher au monde. La voici : « — Affichons-nous, avant tout, en catholiques orthodoxes ; ce complaisant manteau d’orthodoxie couvrira tous les vices, toutes les turpitudes, tous les forfaits dont s’indignent ces gens de petite condition et de moindre doctrine. » — Pauvres hommes de roture, dignes du dernier supplice ; ils proclament, pratiquent, enseignent à leur famille, les vertus évangéliques !

Le discours du roi François Ier fut écouté dans un religieux silence et accueilli avec un enthousiasme à peine contenu par le respect.

Cette bande de prostituées, de gens d’Église, de gens de cour, de gens de guerre, que le roi très-chrétien traînait après lui, se disputaient les bénéfices ecclésiastiques, ramassaient l’or des riches hérétiques, dans les cendres de leur bûcher ou dans leur sang ; brûler ou massacrer les réformés, c’était battre monnaie pour la bande royale. Mais ce ne fut pas tout, il fallait compléter l’œuvre : on tue, on égorge, on écartèle, on roue, on brûle les hommes, on leur coupe la langue[1]… cependant l’idée… la pensée émancipatrice, échappe aux

  1. Fréquemment l’on coupait la langue aux hérétiques afin de les empêcher de confesser à haute voix la doctrine évangélique en marchant au supplice. — Voir ci-après la citation de Théodore de Bèze.