Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/89

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as pu mériter ; de plus, de tous les excès, péchés et crimes que tu as pu commettre, quelque grands et énormes qu’ils puissent être, et pour quelque cause que ce soit, fussent-ils même réservés à notre saint-père le pape et au siège apostolique (tels que la bestialité, le péché contre nature, le parricide, l’inceste). J’efface toutes les traces d’inhabileté, toutes les notes d’infamie que tu aurais pu t’attirer à cette occasion ; je te remets les peines que tu aurais pu endurer dans le purgatoire ; je te rends de nouveau participant des sacrements de l’Église ; je t’incorpore derechef dans la communion des saints ; je te rétablis dans l’innocence et la pureté dans laquelle tu as été à l’heure de ton baptême, en sorte qu’au moment de ta mort la porte par laquelle on entre dans le lieu des tourments et des peines te sera fermée, et qu’au contraire la porte qui conduit au paradis de la joie te sera ouverte, et si tu ne devais pas bientôt mourir, cette grâce demeurera immuable pour le temps de ta fin dernière.

» Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen !

» Frère Jean Tezel, commissaire apostolique, l’a signée de sa propre main[1]. »

Hervé, toujours agenouillé, interrompit souvent la lecture de cette cédule par des exclamations haletantes ; l’absolution dont il était possesseur s’étendait sur le passé, sur le présent, sur l’avenir… cette cédule ne portant aucune date, selon que fra‑Girard l’avait fait observer à l’acheteur, couvrait de son apostolique efficacité tous les péchés, tous les crimes, que le détenteur de l’indulgence pouvait commettre jusqu’à la fin de ses jours. Hervé plaça le parchemin plié, dans un scapulaire suspendu à son cou sous son pourpoint, prosterna son front jusque sur la dalle du sanctuaire et la baisa pieusement… Hélas ! ce malheureux était sincère dans son épouvantable reconnaissance envers le pouvoir divin qui lui accordait cette rémission ;

  1. Histoire de la Réforme au XVIe siècle, par J.-H, Merle d’Aubigné, t. I., p. 528-529, publiée à Paris, en 1853, chez Marc Ducloux.