Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/286

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L’oratoire du prince, où, par une dérision sacrilége, ou plutôt par un monstrueux accouplement de fanatisme et de luxure, il se livrait à ses dévotions et à ses débauches infâmes, était tendu de velours violet rehaussé de franges et de bordures en cannetilles d’or et d’argent ; le jour ne pénétrait jamais dans ce réduit voluptueux, éclairé par un lampadaire de vermeil garni de flambeaux de cire parfumée. On voyait d’un côté un prie-Dieu surmonté d’un Christ en ivoire, et, de l’autre, un large lit de repos garni de coussins ; un tapis de Turquie couvrait le sol ; une portière de velours, alors fermée, communiquait à une pièce voisine.

Il est environ huit heures du soir : un jour s’est écoulé depuis la nuit où les soldats de la compagnie du marquis de Montbar, embusqués derrière les rochers de la côte, se sont emparés de plusieurs Rocheloises, après avoir massacré grand nombre de leurs compagnes et de leurs enfants. Cornélie Mirant, emmenée la veille prisonnière par le marquis, vient d’entrer avec lui dans l’oratoire du duc d’Anjou ; une animation fébrile donne un coloris inaccoutumé au visage de la jeune fille ; ses yeux brillent, sa beauté rayonne ; une certaine coquetterie a présidé à l’arrangement de sa chevelure ; ses vêtements, mis presque en lambeaux durant sa résistance désespérée contre les soldats qui, la nuit précédente, l’ont emmenée prisonnière, ont été échangés contre une somptueuse robe du matin en brocart ponceau. Cette robe battant neuve provient du vestiaire du duc d’Anjou, cet efféminé recherchant dans sa parure tout ce qui peut rappeler celle des femmes. La taille de Cornélie, imposante et accomplie comme celle de la Minerve antique, se drape sous les plis de ce vêtement, qui semble ajusté pour elle ; car sa stature est à peu près égale à celle du prince. Une large écharpe brodée, provenant aussi du vestiaire royal, attachée en sautoir, supporte et cache la main et le bras droit de la jeune fille ; la blessure qu’elle a reçue la veille, à la naissance de l’épaule, a été pansée avec soin par l’un des écuyers chirurgiens du duc d’Anjou. M. de Montbar est âgé de vingt ans à peine ; sa figure