Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/89

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sera toujours à recommencer avec les huguenots… Tel est mon avis, mon révérend ; est-ce le vôtre ?

— C’est le mien, madame… Le saint-père et le roi d’Espagne patienteront, je m’en porte garant, lorsqu’ils sauront les projets de Votre Majesté et ses excellentes résolutions, lorsqu’ils sauront surtout que… (sans parler de l’espérance de Votre Majesté à l’endroit de M. de Coligny) grâce à vous, madame, son frère Dandelot, le duc des Deux-Ponts, le prince de Condé, ont été renvoyés devant leur juge naturel

— « Renvoyés devant leur juge naturel !… » — répète en riant Catherine de Médicis. — Il n’est que les gens de votre robe, mon révérend, pour donner aux choses un tour ingénieux et particulier…

— Puisqu’il est question, madame, de ceux-là pour qui l’on avance simplement l’heure du dernier jugement, je recommanderai derechef à l’attention de Votre Majesté ce prince allemand si dangereux.

— Frantz de Gerolstein ?

— Oui, madame. Il n’est pas de plus forcené huguenot !

— Je l’ai jugé tel. Il est venu l’an passé à ma cour, avant la nouvelle prise d’armes des réformés ; je l’ai vu fréquemment. Il a de l’esprit, de l’audace, de grands talents militaires ; son influence a décidé le duc des Deux-Ponts à amener à l’armée protestante ce renfort dont Frantz de Gerolstein devient le véritable chef, car le vieux Wolfgang de Mansfeld n’a de ces troupes que le commandement nominal, accordé à son âge et à son ancienneté…

— Ainsi, madame, vous espérez délivrer l’Église de ce pestilentiel Gerolstein ?

— L’une de mes filles d’honneur se chargera de cette mission délicate.

— Une de vos filles d’honneur, madame ?

— Ceci me regarde.

— Je comprends… une nouvelle Judith doit enivrer ce moderne Holopherne ?