Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/141

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« — Si c’est quelque chose de bon, je suis prêt à vous entendre et à vous seconder ; mais s’il s’agit d’une méchante affaire, ne m’en parlez point, car je la dénoncerais à la régence ou à la justice. »

» Que là-dessus, après quelques paroles échangées de part et d’autre, Tichelaar termina l’entretien en disant :

« — Puisque monsieur ne désire point que je lui découvre mon secret, je le garderai devers moi. »

» Mon frère a confirmé cette déposition, et la dénonciation de Tichelaar étant le seul fait à la charge de mon frère, je ne vois pas qu’il y ait lieu de rien appréhender dans cette affaire. Regrettons seulement les malheurs du temps et la méchanceté de nos ennemis.

» Du reste, la prise des villes sur le Rhin en si peu de temps par les armées de Louis XIV ; l’irruption de l’ennemi jusqu’au bord de l’Yssel presque sans résistance, par lâcheté inouïe ou trahison infâme, m’ont de plus en plus confirmé la vérité de ce qu’autrefois l’on appliquait à la république romaine : prospera omnes sibi vindicant, adversa uni imputantur[1] ; c’est ce que j’éprouve moi-même. Le peuple de Hollande m’a chargé de ses désastres et des calamités de notre république, quoique je n’aie jamais été qu’un fidèle serviteur du pays ; aussi, me suis-je résolu de donner ma démission de ma charge de grand pensionnaire ; les États ont eu la bonté de m’accorder ma demande, ainsi que vous pourrez le voir dans l’extrait que je vous envoie. J’ai cru devoir vous instruire de ma décision, afin que vous ne m’adressiez plus désormais les lettres qui regardent l’État, mais que vous les envoyiez par prévision à l’adresse de M. le pensionnaire de Hollande et de West-Frise ou de celui qui exerce présentement cette charge. »

Jean de Witt achevait d’écrire cette lettre à l’amiral Ruyter, lorsqu’une servante vint avertir l’ex-grand pensionnaire de Hollande que M. Serdan, accompagné de deux personnes, demandait à être introduit près de lui.


  1. Chacun s’attribue la gloire du succès, mais les revers sont attribués à un seul.