Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/166

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enveloppées de bandages sanglants : « — Je ne saurais écrire, monsieur. Je vais vous dicter mon opposition à la sentence. » Et Corneille a, d’une voix ferme, formulé l’opposition d’appel terminée par ces mots : « — Il faut qu’à la face des hommes et de Dieu je sois déclaré assassin, ou innocent. »

— Ah ! — s’écria Jean de Witt, j’emploierai tout ce qui me reste de force, de vie, à poursuivre, à obtenir la réhabilitation de mon frère ! Ses ennemis seront confondus !

— Un dernier mot, — dit M. de Tilly, — comprenez-vous maintenant pourquoi vous vous perdriez sans utilité pour votre frère, en vous rendant à cette heure à sa prison ?…

— Quoi ! vous voulez  !…

— De grâce, écoutez-moi, — reprit M. de Tilly, interrompant Jean de Witt ; — les agents du prince d’Orange ont eu bientôt répandu dans la foule la nouvelle du bannissement de Corneille de Witt, en s’indignant qu’il ne fût pas condamné à la peine capitale. Ces détestables propos ont augmenté l’exaspération du peuple, redoublé ses appétits de vengeance ; il a menacé d’enfoncer les portes de la prison, pour en arracher votre frère et en faire justice ! Averti en hâte par le greffier, j’ai fait monter à cheval la cavalerie de La Haye. Elle est rangée en bataille devant la châtellenie ; nos cavaliers ne sont pas orangistes, vous le savez, la prison ne sera donc pas forcée tant qu’ils pourront conserver ce poste. Ainsi, vous devez être, quant à présent, rassuré sur le sort de Corneille. Je vous en adjure, mon ami ! renoncez au projet de vous rendre à la prison. Vous êtes connu de toute la ville, et la traverser en ce moment d’effervescence populaire, c’est braver inutilement le plus grand péril.

— Jean, — ajouta Serdan, — nous vous en conjurons, fuyez au plus tôt ; qui sait si votre maison ne sera pas envahie tout à l’heure peut-être par ces furieux, comme l’a été à Dordrecht la maison de votre père ?

— Conservez-vous pour votre frère, monsieur de Witt, — re-