Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/202

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— Ah ! mon père ! vous avez dit vrai : mon abandon serait la mort de Tina ! Dieu juste ! je ne commettrai pas ce meurtre ! Tu vivras, douce enfant ! tu vivras… et quoi qu’il advienne, il me sera si facile de te rendre heureuse…

— Et toi aussi tu seras heureux ! tu jouiras éternellement du bonheur qu’elle te devra ! — reprit Salaün avec expansion en serrant son fils entre ses bras. — Va ! cher enfant ! mon insistance était le pressentiment de la félicité qui vous attend tous deux. — Et courant à la porte qui ouvrait sur l’escalier intérieur de la boutique du tailleur, Salaün Lebrenn cria du haut du palier : — À cheval, Paskou-le-Long… à cheval ! joyeux Baz-valan ! prévenez nos parents, nos amis ! digne héraut des fiançailles, prenez en main votre gai rameau de genêt fleuri ! et à cheval ! ! !

— C’en est fait… — se disait Nominoë, tandis que son père s’adressait au Baz-valan, — adieu, fol espoir ! adieu, illusions décevantes, insensées ! mais si chères à mon cœur !… Adieu, rêve doré, rêve aussi éloigné de la réalité que le ciel de l’abîme ! et pourtant ce rêve enchantait ma vie !… Ah ! ce matin, en apprenant l’arrivée inattendue de mademoiselle de Plouernel au manoir de Mezléan, le vertige m’a saisi, j’ai voulu soudain rompre mon mariage croyant que le rêve enchanteur de ma vie pouvait se… — Et s’interrompant : — Pauvre fou ! pauvre fou !… reviens à la raison, à la réalité. Bénis ce mariage : il mettra terme à ces visions qui égaraient ton esprit depuis ce fatal voyage de La Haye !

— Partons, mon enfant ; hâtons-nous ! nous avons tant tardé à nous mettre en route ! Pauvre Tina ! elle doit commencer à s’inquiéter ! — dit Salaün à son fils. — Vite, à cheval… à cheval !

Bientôt le cortège nuptial, précédé du Baz-valan et de Nominoë, quitta le bourg de Mezléan, et se mit en marche vers la maison de Tankerù-le-Forgeron, père de Tina la fiancée.