Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/281

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— Il faudrait encore, — reprit mademoiselle de Plouernel, — deux mantes à capuchon, pareilles à celles que portent les paysannes.

— C’est facile…

— Nominoë, — reprit mademoiselle de Plouernel d’une voix contenue où vibraient cependant toutes les émotions dont son âme était agitée en ce moment solennel, — demain, à trois heures de l’après-midi, trouvez-vous à cent pas d’ici, au carrefour de la Croix, avec la voiture que vous conduirez. N’oubliez pas les deux mantes à capuchon… l’une sera pour moi, l’autre pour Marion ; le capuchon cachera nos traits. Ma sortie du château en plein jour à l’heure habituelle de ma promenade n’inspirera aucun soupçon ; nous partirons aussitôt pour Saint-Renan, d’où nous ferons voile pour l’Angleterre, et là, Nominoë, — ajouta Berthe, s’abandonnant enfin à l’effusion de son amour et fondant en larmes d’une douceur céleste : — Notre mariage…

— Votre masque ! mettez votre masque !… Voici quelqu’un… Grand Dieu ! mon père !… — s’écria Nominoë à la vue de Salaün Lebrenn et de Serdan sortant avec précaution de la galerie souterraine qui conduisait aux ruines du donjon de Plouernel.


Mademoiselle de Plouernel s’était empressée de cacher son visage sous le masque de soie[1], déposé près d’elle au commencement de son entretien avec Nominoë. Celui-ci, stupéfait à l’aspect de son père et de Serdan, resta muet, consterné, tandis que Berthe, masquée, debout, immobile, les bras croisés sur son sein palpitant, attendait avec angoisse l’issue de cette rencontre imprévue.

Salaün Lebrenn, malgré la menaçante sévérité de ses traits, ne put contenir un soupir d’allégement en revoyant son fils, au sujet du-

  1. Nous rappellerons au lecteur que les femmes portaient encore souvent le masque à la fin du dix-huitième siècle, surtout à la campagne, afin de sauvegarder du hâle la fraîcheur de leur teint.