Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/283

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cette étrangère ? Ah ! je devine tout, maintenant ! — Et faisant, d’un air menaçant, un pas vers mademoiselle de Plouernel, il ajouta : — Femme sans mœurs ! c’est toi qui as corrompu… perdu mon fils !…

— Misère de Dieu ! un tel outrage à elle ! à elle !… — s’écria Nominoë, s’élançant au-devant de Salaün. — Mon père, vous ignorez à qui vous parlez… Oh ! prenez garde… pas un mot de plus… Vous le regretteriez !…

— Une menace !… à moi !… — reprit Salaün exaspéré, — une menace… lorsque tu devrais tomber repentant, suppliant, à mes pieds… lâche assassin !…

— Assassin !… moi !… — balbutia Nominoë, foudroyé par le regard de Salaün, tandis que celui-ci, de plus en plus courroucé, et s’adressant à mademoiselle de Plouernel :

— Infâme créature, tu es complice de ce meurtre !…

— Un meurtre ! — répéta Nominoë stupéfait. — Quel meurtre ?

— Celui de Tina, ta fiancée !

— Grand Dieu ! mon père, que dites-vous ! — reprit Nominoë, frissonnant d’épouvante. — Tina, ma fiancée…

— Tu l’as tuée ! misérable ! tu l’as tuée en l’abandonnant !… — répondit Salaün d’une voix entrecoupée par un sanglot ; — elle est morte…

— À genoux devant votre père justement irrité !… à genoux ! pleurons les morts, Nominoë !… — dit mademoiselle de Plouernel, jetant son masque loin d’elle. Et, pâle, le visage inondé de larmes, brisée, presque défaillante, elle tomba, ainsi que Nominoë, agenouillée devant Salaün, tandis que Serdan, reculant d’un pas, s’écriait :

— Que vois-je !… mademoiselle de Plouernel…

Salaün, reconnaissant, ainsi que Serdan, la jeune fille, qu’il n’avait pas revue depuis le voyage de La Haye, resta saisi d’étonnement, se rappelant combien à cette époque il avait, ainsi que son ami, admiré l’élévation des sentiments de la jeune fille ; aussi regretta-t-il l’injurieuse véhémence de son langage envers elle.