Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/298

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tative de meurtre aussi suivie d’effet sur l’un des gardes forestiers du très-haut, très-puissant, très-redouté seigneur, etc., etc. L’exécution de la sentence suivrait immédiatement le jugement, car trois potences seraient dressées pendant la nuit. Nominoë a persisté dans son silence : le bailli et le greffier l’ont laissé seul.

— Mourir ! — dit Nominoë, — je vais mourir… ou mieux… je vais aller renaître ailleurs ! Ah ! je saluerais cette vie nouvelle d’un cri d’allégresse, n’était le regret que doit causer à mon père, non la mort… il ne la craint pas plus que moi… ne m’a-t-il pas élevé dans la foi de nos aïeux ?… mais le regret que doit lui causer sa sortie de ce monde au moment où va éclater cette révolte, dont en ce pays il était l’âme ! révolte qui, triomphante ou vaincue, ne sera pas stérile ! protestation toujours légitime, toujours féconde, du droit contre la force ! seul recours restant aux opprimés à bout de souffrances contre leurs oppresseurs inexorables !… Ah ! moi aussi, je regrette amèrement de ne pas prendre part à cette lutte ! J’aurais joint mes efforts à ceux de mon père, afin d’empêcher les sanglants excès qui, hélas ! contaminent les plus saintes causes ! Vains regrets ! Puissent les délégués des vassaux avoir tenu leur promesse faite à mon père : de ne recourir aux armes que si le comte refuse de sanctionner le code paysan, rédigé sous nos yeux et ne demandant rien que de juste… Mais ils sont tellement exaspérés par la misère, par l’oppression, que peut-être ils méconnaîtront les sages conseils de mon père ! Ah ! s’il eût été à la tête des vassaux !… Vains regrets ! il est comme moi prisonnier ! C’est ma faute… pourquoi ai-je aimé mademoiselle de Plouernel ? Pourquoi suis-je victime de la fatalité ? Elle m’a conduit à La Haye ! elle m’a fait sauver la vie et l’honneur de qui ?… d’une fille des Neroweg… et cependant l’âme la plus belle, la plus pure qui soit jamais éclose au souffle de Dieu !… Fatalité ! fatalité ! J’avais reconnu le néant de mon fol amour… j’étais décidé d’épouser ma douce Tina… et je revois Berthe, le jour même, à l’heure même de mon mariage !… Enfin, aujourd’hui, après l’aveu de cet amour